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Diagnostic du TDA/H : faire un bilan neuropsychologique ?

La réponse à cette question est négative. Le diagnostic du TDA/H repose uniquement sur des arguments cliniques, que l’on se réfère à l’une ou l’autre des classifications connues (CIM-10 ou DSM-5).

Ce diagnostic est fait à partir d’un inventaire précis des symptômes actuels et passés de la vie du patient, que le clinicien réalise via son observation et à l’aide de questions posées au patient.

Le clinicien doit prendre en compte l’avis de personnes tierces qui connaissent bien le patient, et/ou qui l’ont connu lorsqu’il était jeune. Cela permet non seulement de vérifier que les autres personnes ont bien perçu des spécificités liées au TDA/H ainsi que d’affiner le tableau des comportements du patient, qu’il n’a souvent pas pu percevoir lui-même.

La recherche de symptômes permettant de diagnostiquer le TDA/H peut se faire à l’aide d’outils comme des questionnaires : par exemple l’ASRS 1.1, le DIVA 2.0, et la WURS.

Comorbidité

Ajoutons qu’avec le TDA/H, il peut y avoir une comorbidité, c’est-à-dire la présence simultanée de symptômes appartenant à une autre entité nosographique. Par exemple, une personne qui est atteinte de TDA/H peut aussi faire une dépression, ou bien consommer de l’alcool au point d’y être devenue « accro ».

La recherche de symptômes permettant de faire la recherche de certains troubles comorbides peut se faire au travers de questionnaires ou de tests psychologiques supplémentaires.

Bilan neuropsychologique ?

Parfois, certains psychiatres ou structures demandent des bilans. Cependant, dans de tels cas, la place d’un bilan dans l’établissement du diagnostic doit être clairement définie.
Le psychiatre François Bange, un praticien attaché à l’hôpital Robert Debré et à l’hôpital Sainte-Anne à Paris, écrit à propos des examens neuropsychologiques :

Certes, des examens neuropsychologiques réalisés au laboratoire offrent une évaluation objective de l’attention ou de l’impulsivité. Ils sont irremplaçables dans les protocoles de recherche scientifique. Ils permettent de comparer de façon statistique les performances d’un groupe de patients avec celles d’un groupe indemne. Mais ce sont des patients au diagnostic de TDA/H déjà établi de façon clinique. Aucun de ces examens, ni aucune combinaison de plusieurs d’entre eux, ne réunit les conditions nécessaires pour affirmer ou écarter le diagnostic chez un patient.

L’examen neuropsychologique administré dans les meilleures conditions par un professionnel expérimenté complète l’examen clinique en fournissant un état descriptif instantané. Ce dernier est à replacer dans le contexte passé et présent du patient. Loin d’être le juge de paix espéré dans une discussion diagnostique difficile, l’examen neuropsychologique ne peut jamais se substituer à l’analyse du clinicien.

Bange F. (dir.), (2014). TDA/H. Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité, Paris, Dunod, coll. Aide-mémoire.

Comment faire le diagnostic de TDA/H ?

Un diagnostic clinique

On pense parfois qu’il faut faire énormément de démarches et voir plusieurs professionnels pour obtenir le diagnostic de Trouble du Déficit de l’Attention avec/sans Hyperactivité, alors que ce n’est pas le cas.

Tout d’abord, le diagnostic de TDA/H est un diagnostic clinique et médical, ce qui signifie que seul un spécialiste (médecin psychiatre, pédiatre, neuropédiatre, neurologue, neuropsychologue, psychologue clinicien) peut faire le diagnostic.

Ce diagnostic dépend bien sûr des informations que le professionnel obtient de l’enfant, de l’adolescent, ou de l’adulte qu’il reçoit. Mais certains professionnels sont parfois induit en erreur par leur formation théorique spécifique et/ou leur manque d’expérience du TDAH.
Je dirais donc qu’il faut une certaine expérience de la part du professionnel pour « aller chercher » ces informations, mais aussi pour les interpréter.

Notons en tous cas une information importante : le diagnostic du TDA/H est un diagnostic « psychiatrique » classique sur des critères cliniques, et normalement il n’y a pas d’examen neuropsychologique spécifique à faire passer (tel qu’un bilan avec des tests de mesure), sauf s’il y a des besoins spécifiques, ou des hypothèses de comorbidité. Une comorbidité pourrait être, par exemple, d’origine neurodéveloppementale, comme un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Les tests neuropsychologiques peuvent permettre d’évaluer le fonctionnement de telle ou telle dimension du trouble (par exemple la capacité mémorielle), mais cela restera un complément d’information.

Pourquoi le diagnostic est-il compliqué à faire ?

Ce qui rend le diagnostic difficile est que la nature même du TDA/H, qui est un trouble neurodéveloppemental, est souvent mal comprise, par manque de formation des professionnels, et que les critères objectifs du TDA/H sont parfois assez flous pour eux.
Sachant qu’un comportement peut avoir plusieurs origines, il peut donc arriver que des observations faites par un clinicien mènent à une conclusion erronée. C’est pour cela qu’il est recommandé aux cliniciens d’utiliser des échelles standardisées, qui vont permettre de sérieusement consolider ses hypothèses diagnostiques. Chez l’adulte, il y a trois échelles qui me paraissent essentielles : ASRS 1.1 (pour le dépistage du TDA/H), DIVA 5.0 (pour étayer le diagnostic), mais aussi la WURS-61 ou WURS-25, auxquelles on peut ajouter, par exemple, les critères d’Hallowell et Ratey (1994), ou l’Inventaire des symptômes du TDAH de la CADDRA (Canadian ADHD Resource Alliance). On pourra également utiliser le très bon formulaire CADDRA d’évaluation du TDAH (11 pages).

Comprendre le fonctionnement du trouble

La nature neurobiologique du trouble doit être bien comprise, et il faut pouvoir également rattacher ces comportements à un fonctionnement général de l’individu. Donc, au delà de remplir des cases de critère diagnostic (même si cela reste indispensable), il faut également pour ne pas se tromper (et donc éviter de faire du sur-diagnostic ou du sous-diagnostic), faire une « quasi-enquête de police » pour tenter d’aller chercher l’origine ou l’explication des comportements.

Par exemple, si on ne comprend pas le fonctionnement neurobiologique du TDA/H (par exemple la question du « verrou dopaminergique »), il devient difficile d’associer un comportement à l’origine neurobiologique du TDA/H ! Le professionnel peut certes observer un comportement, mais il risque de ne pas voir que ce comportement est dû au TDA/H, et il risque de l’expliquer autrement, parce qu’un comportement peut avoir de très nombreuses origines différentes !

Par exemple : un patient jeune adulte, auquel j’avais déjà fait passer des échelles (ASRS et WURS), et pour lequel j’avais une forte suspicion de TDA/H, me rapporte qu’il a fumé pendant longtemps, et depuis deux ans il est passé à la cigarette électronique. Jusque-là, rien de bien intéressant en apparence. Toutefois, il est connu scientifiquement qu’il existe une probabilité élevée de comorbidité addictive dans le TDA/H, je lui pose donc quelques questions exploratoires supplémentaires :

1 – Les circonstances dans lesquelles il fume en général.
2 – S’il a déjà essayé de fumer autre chose que du tabac.
3 – Comment s’est passée pour lui la transition entre la cigarette « classique » et la cigarette électronique.

Concernant les circonstances dans lesquelles il fume, il me rapporte qu’il fume beaucoup en travaillant, parce que cela l’aide à être concentré, et que cela l’aide à mobiliser ses ressources pour aboutir à des conclusions. Il n’y a pas besoin d’être sorcier pour voir là l’effet de la nicotine, encore faut-il aussi faire le lien entre nicotine et dopamine qui est que la nicotine augmente le taux de dopamine dans la fente synaptique (espace de transmission chimique entre les extrémités dendritiques des neurones) ! Mais cela est valable pour n’importe qui, et pas seulement des personnes atteintes du TDA/H..

Concernant d’autres « drogues », il m’explique avoir essayé le cannabis, mais il a vite arrêté, parce que même si ça le stimulait au début, le cannabis le mettait ensuite dans un état « mou et confus » qui l’empêchait de pouvoir se focaliser sur une idée. Là encore, pas de conclusion possible, si ce n’est que le patient n’aimait pas perdre le contrôle de sa pensée.

Troisième question : Comment s’est passée la transition entre la cigarette classique et la cigarette électronique ? Là, il m’explique que pendant 6 mois, il a arrêté totalement de fumer, et que cela a généré chez lui divers symptômes : forte agitation et fébrilité interne, difficulté à canaliser ses pensées, besoin d’aller se défouler à un tel point qu’il lui fallait fréquemment sortir de chez lui pour aller courir, et forte augmentation de sa libido, devenue « démesurée, ce qui devenait problématique en société« . Il a donc commencé à prendre des chewing-gums à la nicotine, et là les problèmes se sont résorbés partiellement, puis complètement par la suite avec le démarrage de la cigarette électronique.

On observe dans cette vignette que lors de l’arrêt de la nicotine, des symptômes proches de la dimension impulsivité sont soudain apparus de façon forte. Quand à la libido, sans être un spécialiste, celle-ci est aussi fortement influencée par les questions dopaminergiques. Le manque de dopamine de ce patient, qui est particulièrement problématique dans le TDA/H, était donc comblé partiellement par la compensation nicotinique.

Le patient me parle ensuite de la cigarette comme d’un « jalon », un marqueur du temps, qui lui permettait de rythmer sa pensée, mais aussi de la concrétiser en lui facilitant les prises de décisions dans son travail professionnel.

Diminuer le risque d’erreur diagnostique

Interroger uniquement le patient est insuffisant : il faut, avec l’accord du patient, essayer d’avoir les observations et ressentis de l’entourage et essayer de croiser les informations pour diminuer le risque d’erreur diagnostique. Il est donc important de multiplier les sources d’information :
1) Demander au patient de passer les échelles conjointement avec ses parents.
2) Si possible, rencontrer les proches : le conjoint, les parents, parfois les enfants (si le patient est adulte et âgé et qu’il a des enfants en âge d’expliquer les choses), ou d’autres proches du patient qui le connaissent depuis très longtemps.
3) récupérer des données écrites : notamment des bulletins scolaires (que le patient soit petit ou grand), ou bien, pour un petit enfant, récupérer des courriers de la maîtresse, par exemple.

Conclusion

En conclusion, il faut essayer de croiser toutes les informations possibles pour :
1) s’assurer que tous les critères diagnostics purement comportementaux et émotionnels sont présents.
2) s’assurer que l’on peut attribuer ces comportements au fonctionnement du TDA/H
3) s’assurer que l’entourage de ce patient nous donne des éléments qui « collent » avec le fonctionnement du patient depuis très longtemps (et non pas depuis 15 jours, lorsqu’un événement particulier est arrivé dans sa vie, par exemple).

Première version : octobre 2020 – Mise à jour : 18 décembre 2022

SOURCE : Vidéo Youtube « Comment se fait le diagnostic de TDAH ? » , par le Docteur Jean-Baptiste Alexanian